22 avril 2015
La suspension, au service des établissements scolaires
Le 13 avril dernier, madame Rima Elkouri, journaliste de la Presse, nous informait de l’avancement de la situation de Benjamin, un jeune de 10 ans, ayant un diagnostic d’autisme, suspendu depuis le 26 janvier 2015 de l’école René St-Pierre, en Montérégie, dû à des comportements jugés comme étant « trop agressif » par le personnel neurotypique de l’école.
Cette histoire est déplorable. Ce qui est encore plus déplorable, c’est que la famille de Benjamin n’est pas la seule à être en mode « survie » à cause de l’application d’une mesure disciplinaire qui ne fait pas toujours sens avec le comportement reproché. Bien que l’article 1 de la Loi sur l’instruction publique prévoit qu’un élève handicapé à le droit à des services éducatifs jusqu’à 21 ans, plusieurs acteurs observent une augmentation de la non-fréquentation scolaire chez les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA). Ces expulsions et suspensions, qui précarisent et bouleversent inévitablement un équilibre familial déjà affecté par les besoins particuliers de la personne ayant un trouble du spectre de l’autisme, sont aussi répertoriées au Centre-du-Québec, dans la région de Québec, ainsi qu’en Montérégie.
Karine Guay, intervenante communautaire chez Autisme Centre-du-Québec souligne que de telles situations sont très préoccupantes : « Benjamin est loin d’être le seul. On ne parle pas d’un cas isolé mais bien d’une pratique relativement répandue. » Au Centre-du-Québec, les commentaires de parents recueillis par l’organisme d’aide, d’entraide et de défense de droits, confirment le recours anormalement élevé à cette mesure disciplinaire qu’est la suspension auprès des enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme. Marie-Ève Lavoie, coordonnatrice de l’organsime commente :« Il est arrivé à plusieurs parents d’apprendre que leurs enfants étaient suspendus un mois avant la fin de l’année scolaire et de se faire dire par la direction de l’école que « les vacances commencent plus tôt pour eux. » Ces expulsions ou suspensions de longue durée répondent principalement aux besoins du personnel plutôt qu’aux besoins de l’élève concerné. De telles mesures furent entre autre appliquées par le personnel scolaire lorsque ces derniers arrivaient à bout de leurs ressources, vivaient de l’épuisement et de l’incompréhension face aux besoins particuliers de l’élève ou encore lorsque les mesures d’adaptation nécessaires n’étaient pas mises en place. »
Le personnel d’Autisme Centre-du-Québec n’est pas le seul à constater l’augmentation de telles pratiques. Monsieur Gilles Bélanger, chef de service du soutien à la personne de L’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) mentionne que l’histoire de Benjamin, « c’est aussi l’histoire d’un trop grand nombre d’enfants handicapés. Depuis deux ans, l’OPHQ reçoit de plus en plus d’appels de parents dont les enfants vivent des situations semblables.»
« Chialer dans notre salon, ça peut faire du bien un moment mais ça ne règle pas la situation problématique » mentionne Mme Lavoie. Pour Autisme Centre-du-Québec, il est impératif que les parents dénoncent aux bons interlocuteurs de telles pratiques qui ne font pas sens et qui contreviennent à la loi de l’instruction publique et à la politique de l’adaptation scolaire. Il est important que les parents dont l’enfant ayant un handicap qui se voit imposer des suspensions ou des expulsions injustifiées ne gardent pas le silence et portent plainte pour s’assurer que leur enfant soit scolarisé tel qu’il en a le droit. « Il faut que les parents et le personnel du milieu scolaire comprennent qu’une plainte, ce n’est pas une action entreprise contre l’établissement concerné mais bien un moyen mis à leur disposition pour contribuer à l’amélioration des services scolaires actuels et futurs. Une plainte formelle laisse une trace, une donnée, une statistique qui pourrait permettre d’évaluer l’ampleur du problème et amener les autorités et ministères concernés à réagir » explique Mme Guay. Les parents désirant du soutien pour porter plainte peuvent obtenir l’appui, les conseils et l’accompagnement de l’Office des personnes handicapées ainsi que d’Autisme Centre-du-Québec.
Un changement majeur s’impose dans le milieu de l’éducation à l’égard de la clientèle ayant un TSA. Benjamin, Sophie, Dominick… vous n’êtes pas seuls à subir les contrecoups de cette mesure disciplinaire qu’est la suspension d’un élève autiste. En fait, vous êtes beaucoup et de partout. Autisme Centre-du-Québec salue votre initiative de porter plainte à la CDPDJ et espère que votre détermination et vos démarches inspireront à faire de même d’autres familles d’enfant ayant un TSA lésées dans leurs droits. C’est tous ensemble, en dénonçant les injustices vécues par les personnes ayant un TSA, que nous bâtirons une société plus inclusive.